dimanche 1 novembre 2020

Agrions Et Tritons

 


"Avec Élodie et Mathieu, nous sommes dans la tourbière de Parigné pendant deux semaines. Il y aura cinq chevaux représentant quatre races de traits" m'explique Christine Sallé au téléphone.

"Tourbière", "races de traits".... comme d'autre de ses collègues en traction animale, Christine sait me parler avec les mots qu'il faut. Mais ce que les trois compères, "confinés pour quinze jours" dans la tourbière du Bas-Marais de la Basse-Goulandière à Parigné-l'Évêque, dans la Sarthe, ne m'avaient pas dit, c'est qu'il me ferait passer un test "races de traits" à mon arrivée sur le chantier avant de m'autoriser, ou pas, à les photographier.


"Alors, quelles races ?"  me lancent en chœur et goguenardes Christine et Élodie. Le piège ! Trente années de photographies avec les chevaux de traits pour échouer lamentablement, peut-être, à un test "traits", au bord d'une tourbière, en partie alimentée par le ruisseau de Roule-Crottes, à Parigné-l'Évêque.
Je n'avais pas le choix. Il me fallait me lancer. Alignées près d'une haie, les cinq traits de race "inconnue" ne prêtaient aucune attention à la séquence dramatique qui était en train de se jouer. 

Galopin de l'Abdenaie


D'où je suis, assis "au cul du camion", une tasse de café à la main, la tâche n'est pas aisée. Allons-y quand même.

D'abord, un trait noir, à une bonne vingtaine de mètres. Un trait corpulent. Mais je remarque le tour des naseaux qui n'est pas noir mais .... bai. Je sens le piège. Ardennais ? Percheron ? je n'y crois pas. Cob ? Alors d'un modèle qu'on ne voit plus de nos jours. Je choisis de ne pas me prononcer. "Cob, c'est Amandine de la Gare" annonce "triomphante" Christine.

Plus près de moi, un cheval gris de petite taille. Sans hésiter, percheron. "Exact, Galopin de l'Abdenaie".

Juste devant moi, une belle croupe noire, et une tête enfoncée dans le foin. Percheronne à coup sûr. "Doupette de Lucé".

Christine m'a dit "cinq chevaux et quatre races". Donc il y a encore deux races. Sur la gauche, un trait "en formes", à la robe alezane très foncé. J'avance sans trop de risque, breton. "Oui, c'est Banzaï" confirme Élodie.

Il reste au loin une robe grise .... proche du blanc. Percheron, boulonnais ? Quatre races donc boulonnais. "Exact, c'est Beau Sir du Hameau".

Avec quatre bonnes réponses sur cinq, je suis accepté pour une séance photographique.

Banzaï et Beau Sir du Hameau




Doupette de Lucé et Amandine de la Gare






Réserve naturelle régionale depuis 2010, le Marais tourbeux de la Basse-Goulandière s'étend sur 37 hectares à peu de distance de la ville de Parigné l'Évêque. Cette zone naturelle fragile abrite une faune et une flore remarquables avec plusieurs espèces, malheureusement, en voie de disparition.
Parmi ces espèces menacées, deux espèces faunistiques sont particulièrement en danger, l'Agrion de Mercure, une petite libellule au corps bleu et noir et le Triton Crêté, un triton orange et noir. Côté flore, trois plantes sont particulièrement rares, le Rossolis à feuilles rondes, la Parnassie des Marais et le Pédicule des Marais.
Depuis 2012, le Bas-Marais de la Basse-Goulandière fait l'objet de travaux de restauration. D'ailleurs, en 2014, nous étions venus sur ce même site, dans une autre partie de la tourbière pour suivre Christine Sallé et Jean-Baptiste Ricard engagés dans une tranche de travaux de restauration.
Comme en 2014, l'essentiel des travaux assuré cette année par Élodie, Mathieu et Christine, consiste à "ouvrir" le milieu envahi par des espèces arbustives telles que bouleaux, pins sylvestres. Un travail particulièrement difficile puisqu'une tourbière constitue un milieu dangereux où l'envasement guette les chevaux et même les hommes qui sortiraient des surfaces portantes en périphérie de la zone humide.
Cette situation oblige à extraire les arbres à l'aide de longs cables et parfois aussi à l'aide d'un système de mouflage avec poulies. Un travail très technique dans un milieu qui cache de nombreux pièges.
Les arbres extraits sont déposés à l'aide de la traction animale dans une allée proche et sont repris au tracteur pour être rassemblés sur une aire de dépôt où ils seront broyés. 




Reprise au tracteur des produits de coupe

Les travaux de restauration du marais de la Basse-Goulandière sont orchestrés par la ville de Parigné l'Évêque, propriétaire du site, par le Conservatoire des Espaces Naturels Pays de La Loire et l'Office National des Forêts. La mise en place d'un plan de gestion sur le long terme a été possible grâce à l'aide financière de la Région des Pays de La Loire, de l'Agence de l'Eau et des Fonds Européens FEDER. 


Élodie, Mathieu et Christine à l'heure de la pause







3 commentaires:

Froger v a dit…

Dommage de ne pas pouvoir rajouter une case aux autorisations de déplacement '' spectacle équestre en plein air '' pour aller voir le travail effectué en direct...

Jean Léo, les percherons sont en train de perdre le monopole de ce blog, il va falloir penser à le renommer

Amicalement,
Valentin

JLD a dit…

Mon cher Valentin,

un breton de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal...

Ruarche a dit…

Magnifiques photos, celle de Galopin dans la forêt et celle d'Elodie jetant son regard derrière son épaule sont superbes. Bravo !