jeudi 15 juin 2023

Histoires Montées

 
Arrivée de la course de percherons, Mondoubleau

C'est dans quelques jours, le 18 juin, qu'aura lieu à Mondoubleau, sur l'hippodrome des Collines du Perche, la course habituelle de chevaux percherons montés. Avec 12 percherons au départ, cette course se déroulera en fin de réunion hippique.
Dans un précédent sujet sur ce blog (2 juin 2023) nous avons vu que les courses de percherons de Mondoubleau, en Loir-et-Cher, ont été créées en 1850. Un an plus tard, en septembre 1851, la ville de Mortagne organisait à son tour une réunion hippique consacrée au cheval percheron monté.
Les affiches annonçant la création de ces courses expliquaient ainsi cette décision : "Le cheval percheron, c'est à la fois la richesse et la renommée de nos campagnes; faire tout ce qui peut être utile pour l'améliorer, c'est pour nous du patriotisme...

Adolphe d'Hastrel


















Le 28 septembre 1851, Adolphe d'Hastrel, qui pendant une vingtaine d'années a parcouru le monde et a mis à profit ses missions militaires pour dessiner et peindre paysages et scènes de la vie quotidienne, assiste à cette première réunion hippique. Le soir même, il rédige un compte rendu publié dans le journal L'Illustration daté 9-16 octobre 1851.
Extraits du texte publié par L'Illustration.

Courses de Mortagne, hippodrome Saint-Éloi

« La partie sud de l'arrondissement de Mortagne est essentiellement agricole et riche depuis la vallée de la Sarthe jusqu'aux bourgs de Regmalard, de Mauves, de Nocé, et dans toute la vallée de l'Huisne jusqu'au Theil, vers la Ferté-Bernard (Sarthe). Les beaux chevaux percherons, à la haute encolure, aux jarrets vigoureux, destinés aux brasseurs, aux rouliers, se forment dans ce pays de Regmalard et de Nocé. Les prairies artificielles aux environs de Bellême, le trèfle, la luzerne, le sainfoin, nourrissent de nombreux troupeaux, qui deviennent encore plus forts au milieu des beaux herbages du Theil »

« Nous sommes dans le Corbonnais, à une petite huppée [une petite distance] de Mortagne, au milieu de ces braves Percherons, encore tout joyeux et haletants des émotions et des réjouissances de la journée : les courses de l'hippodrome, la musique, les discours, le cidre et le feu d'artifice. C'est que le dimanche du 28 septembre 1851 était si impatiemment attendu ! Il s'agissait d'un essai, d'un début, d'un progrès, d'une fondation heureuse et utile pour tout le pays du Perche, pour Mortagne en particulier. Mortagne, l'un des chefs-lieux d'arrondissement du département de l'Orne, jadis capitale du Perche, avait dû prendre l'initiative : aussi c'est là que s'est formée, avec le concours du conseil général et de l'administration des haras, une société hippique de Mortagne, pour l'amélioration des chevaux d'espèce percheronne. La société s'est constituée le 11 mai 1851 les étalons d'espèce percheronne, nés ou élevés dans tout le département, seront seuls admis à concourir.
D'après l'article 1er du règlement, les courses auront lieu tous les ans, à Mortagne, le dernier dimanche  de septembre. 

 Art. 13. Les chevaux seront montés par les propriétaires, leurs domestiques ou leurs amis.

Art. 14. Les cavaliers ne pourront se servir que de la cravache ou de l'éperon ; le fouet est interdit.

Courses de Mortagne, place des Halles

L'inauguration des courses s'est donc faite aujourd'hui 28 septembre, en même temps que les habitants de Falaise inauguraient la statue de leur compatriote Guillaume le Conquérant ; le succès a dépassé toute attente et sera d'un bon augure pour l'avenir. Il y a eu dix courses vaillamment disputées et dans lesquelles nous devons citer Regnault et Rapporteur, à M. Chéradame, d'Ecouché ; l'Aigle, à M. Bourget, du Buat près l'Aigle, et Julie, à M. Lindet, éleveur de Saint-Léger sur- Sarthe : le cheval de M. Bourget, l'Aigle, déjà primé au concours de Versailles, a été immédiatement acquis pour le haras de Bonneval, ainsi qu'un autre cheval présenté par M. Lindet. »  

« Le croquis que je vous ai adressé, mon cher monsieur, pourra vous donner quelque idée de cette fête, accueillie avec un véritable enthousiasme, favorisée par un temps magnifique et le concours d'un nombre incroyable de spectateurs venus de toute la contrée et des arrondissements voisins. L'hippodrome avait été choisi sur le penchant du coteau, au faubourg de Saint-Eloi, route d'Alençon (de Paris à Brest) ; des tribunes aux mille banderoles flottant au vent étaient garnies par les dames les plus élégantes ; sur des estrades élevées à droite et à gauche du pavillon réservé aux autorités et aux membres de la Société hippique étaient placées les musiques des gardes nationales de Bellême et de Mortagne, qui tour à tour célébraient la victoire des vainqueurs ; au fond du tableau, la ville de Mortagne et le sombre clocher de Notre-Dame faisaient ressortir , par un contraste plus frappant, les robes éclatantes des gentilles paysannes aux larges bonnets à barbes flottantes une foule joyeuse, bruyante et tumultueuse, dont on peut, sans exagération, porter le nombre à vingt mille personnes, encadrait capricieusement l'hippodrome jusqu'à douze rangs de profondeur. Jugez maintenant de quels énergiques et sympathiques hurras a dû être accueilli le premier trot du cheval percheron, si fier, si fort, si courageux et si solide sous son type primitif, lorsque les brillantes fanfares ont applaudi aux bons et sages discours. »

Aucun commentaire: