dimanche 17 décembre 2023

Walters, En Précurseur

 
William T. Walters (1819-1894) Coll J L Dugast

Évoquer l'étonnante "conquête" de l'Amérique par le cheval originaire du Perche, le percheron, entre 1860 et 1914 ne peut se faire sans mentionner les rôles déterminants joués par un certain nombre d'importateurs américains : Mark Dunham, James McLaughlin, William Singmaster, William Ellwood, pour n'en citer que quelques-uns.
Mais, c'est oublier le rôle de précurseur qu'a tenu, entre 1866 et 1887, William T. Walters, de Baltimore, dans le Maryland, sur la côte est des États-Unis. En effet, si l'on peut affirmer que W. Walters a été un précurseur en matière d'importation de chevaux percherons, même si d'autres avant lui avait fait traverser l'Atlantique à des chevaux achetés principalement sur les marchés et foires, entre Le Havre et Paris, le long de la vallée de la Seine, c'est parce qu'il a été le tout premier à avoir une vision "élevage" et donc à importer plus de juments que d'étalons.
Walters a aussi été précurseur d'une autre manière puisque ses achats ont été effectués.... par correspondance, sans que l'importateur, W. Walters en l'occurence, ne se déplace pour choisir ses chevaux ou sans qu'il envoie un acheteur en France.

W. Walters quitte son domicile de Baltimore dans son attelage composé de Prude et Sue, importées en 1878. Coll P.Biget

William Thompson Walters naît le 23 mai 1819 dans la petite ville minière de Liverpool, en Pennsylvanie. Aîné d'une fratrie de huit, il traverse l'enfance et l'adolescence avec une éducation scolaire limitée. À l'âge de 21 ans, il rejoint la ville de Baltimore en plein boom économique. Très vite, il intègre le commerce de spiritueux, ce qui lui permet d'investir dans le développement du chemin de fer sur la côte est. Quelques années plus tard, il épouse Ellen Harper. 
À l'aube d'une guerre civile qui va assombrir le pays jusqu'en 1865, William et Ellen rejoignent Paris où ils arrivent l'été 1861. Malheureusement, atteinte d'une pneumonie, Ellen décédera au cours d'un voyage à Londres, en 1862.
William Walters mettra à profit ses années en France, qui se termineront en 1865, pour se muer en véritable collectionneur d'art.

Hercules, importé en 1868. Coll P.Biget

Dans la capitale française, William Walters verra naître une seconde passion : le percheron, le cheval de trait léger qu'il voit arpenter les rues de Paris. 
Au cours de ses années passées en France, William Walters fera quelques rencontres qui se révèleront déterminantes pour le devenir de la race percheronne, aux États-Unis. Tout d'abord, le général Fleury, nommé directeur des Haras en 1860, puis Grand Écuyer de l'Empereur Napoléon III en 1865.
Autre rencontre importante pour William Walters, Adolphe Simon, directeur du haras et de l'école de dressage de Sées, dans l'Orne, qui dépendait du Haras du Pin. C'est, en effet, Adolphe Simon, qui, entre 1866 et 1886, sélectionnera en France les chevaux percherons que Walters, revenu sur le sol américain, importera en assez grand nombre. Entre 1866 date de la première importation  et 1886 date de la dernière, ce sont plusieurs dizaines de chevaux percherons, juments et étalons, qui traversent l'Atlantique à la demande du collectionneur d'art de Baltimore. À ce jour, aucune information n'a fait surface sur l'accompagnement de ces chevaux pendant les voyages en train et la traversée en bateau. Seule référence à ces achats "par correspondance" cette phrase de Walters en 1886 : "Ce serait un acte d'injustice de ne pas mentionner mon appréciation de l'intégrité, du parfait jugement et de la stricte bonne foi avec lesquels j'ai été représenté dans le choix de mes chevaux en France par M. Adolphe Simon  [...]"

Charles du Haÿs. Coll Draft Horse Journal

C'est encore à Paris que que William Walters fait, en la personne de Charles du Haÿs, une rencontre qui se révèlera capitale pour la race percheronne.
Au milieu des années 1860, Charles du Haÿs termine la rédaction du premier ouvrage de référence sur la race percheronne intitulé "Le cheval percheron". William Walters obtient de l'auteur l'autorisation de de traduire ce livre et de le publier aux États-Unis. Ce qu'il fait en 1868 et à ses frais, un peu plus d'un an après son retour dans son pays. C'est l'éditeur Orange Judd & Co qui réalisera cette première édition.
"The percheron horse", traduction du livre de Charles du Haÿs connaît un grand succès qui nécessite plusieurs rééditions dans les années suivantes.
En 1886, William Walters publie une édition de luxe, agrémentée de photos de chevaux percherons qu'il a acquis de ses 20 années d'importation.. Les photos, publiées sur "papier de Chine" ont été réalisées par le Studio Schreiber & Son de Philadelphie.

Détail de l'édition de luxe publiée en 1886. Coll P Biget

Lottie, importée en 1881. Coll P. Biget

Attelage percheron avec Sultan et Victor. Coll P. Biget

Étalon percheron Sultan, importé en 1881. Coll P. Biget

Les photos réalisées par le Studio Schreiber & Son montrent que W. Walters n'a importé que des chevaux percherons de type attelage, c'est à dire léger et presque exclusivement de robe grise. William Walters était connu à Baltimore et en périphérie de la ville où on le voyait fréquemment dans un attelage mené par un homme de couleur.
C'est au début des années 1880 que les acheteurs américains ont exigés des chevaux percherons plus lourds, allant, en poids, jusqu'à une tonne et parfois plus.

Édition de luxe de la traduction du livre de Charles du Haÿs, dédicacée par W. Walters à l'intention de M. Dunham. Coll K & D Armbrust

Étalon Victor, importé en 1881. Coll P. Biget

Attelage agricole à quatre percheronnes avec Jacqueline, Topsy, Belle et Alene, importées en 1868. Coll P. Biget

Attelage en paire avec les étalons Tribune et Salvator. Coll P. Biget

Alors que Rosa Bonheur avait montré aux Américains, avec son tableau Le marché aux chevaux, copié et largement diffusé sous diverses formes dans les fermes du pays, qu'il y avait en France une race de chevaux aux allures et aux formes exceptionnelles, c'est à William Walters que revient le mérite d'avoir expliqué, grâce à la traduction du livre de Charles du Haÿs, que ces chevaux provenaient d'une petite province appelée Le Perche.

Annonce de la vente de dispersion dans le journal agricole The Breeder's Gazette. Coll Draft House Journal

Après 20 années en partie consacrées à l'importation de chevaux percherons, William Walters a mis fin à sa carrière d'éleveur le jeudi 10 mars 1887 lors d'une vente de dispersion qui a eu lieu sur la ferme que le collectionneur d'art possédait à proximité de Baltimore.

1 commentaire:

Jean a dit…

Bonjour à vous deux.
Vous lire est toujours un grand plaisir.
Merci de nous raconter l'histoire percheronne.
C'est passionnant.
Jean Flémal