dimanche 27 mars 2016

Belle des Choux Est Partie


Les générations percheronnes passent. Les petites histoires d'une multitude de chevaux percherons s'additionnent pour composer la grande histoire de la race. Belle des Choux, âgée de 27 ans, sans doute la doyenne des juments percheronnes, a tiré sa révérence il y a quelques jours.
C'est à l'âge de 10 ans que Belle des Choux a intégré l'élevage de Sylvie Martz à Saint-Jean-Pierre-Fixte près de Nogent-le-Rotrou en Eure-et-Loir.
Sylvie nous raconte "la petite histoire de Belle des Choux" qui, comme tant d'autres percheronnes et percherons avant elle, ont contribué à dessiner le fabuleux destin de la race chevaline originaire du Perche.

Belle des Choux est née en 1989, par Paulo et Radieuse par Jongleur, chez Mr Huard à Sées (61). Jument légère de petite taille (1,66m) de l'ancien type postier.

"De type postier, Belle des Choux était recherchée par certains à l'époque, mais cela l'a pénalisée en concours car après une belle carrière de modèles et allures, la grille des tailles a changé, le type postier a été aboli et elle se retrouvait jugée en diligencière mais finissait toujours quasi en queue pour manque de taille !
Hé oui, le diligencier petite taille n'existe tout simplement pas et après sa sélection pour le Mondial 2001, et une saison 2002 juste en local, j'ai décidé d'arrêter sa carrière de concours.
Sa morphologie a servi de référence lors de la création du guide de jugement de la SHP car elle était donnée pour parfaite et sa tête était portée en référence comme modèle d'une très belle tête percheronne. Il était dit qu'elle pouvait représenter ce que devrait être le modèle diligencier mais avec plus de taille et cela a été un bon guide pour moi dans ma réflexion d'accouplements."

Belle des Choux et Czar of Livingstone Valley au haras de Montigny en 1999.

"J'ai eu Belle quand elle avait 10 ans, au moment où, 4 ans après mon installation, François Chouanard m'a convaincue que je pourrais arriver à m'occuper de juments alors que je ne cessais de lui dire que je n'y connaissais rien, que jamais je ne saurai pouliner une jument ni soigner des poulains.
En fait, avant, j'achetais des mâles pour les éduquer, les dresser et les revendre. Et puis à force de discuter avec François, de l'avenir de la race percheronne, de sa conviction qu'il fallait fabriquer des chevaux pour l'attelage, le loisir... parce que le marché allait être là, et aimant moi-même les chevaux plutôt légers et dynamiques, de fil en aiguille, il m'a convaincue que je parviendrai à mener à bien mon propre projet.
J'ai craqué et dès lors, il m'a aidée à monter ma jumenterie.
Il m'a conseillé Belle en premier et bien d'autres après, mais Belle lui tenait particulièrement à cœur et pour lui c'était une jument à avoir absolument, un modèle exceptionnel comme il disait. Et puis, comme il disait aussi, si Belle restait là où elle était, il était sûr qu'elle ne vivrait pas vieille. Après être passée de mains en mains, elle était en effet pleine de Gallien mais très difficile à faire prendre et en plus il n'avait pas confiance dans celui qui gérerait le premier poulinage de cette jument de 10 ans et il craignait que tout se finisse en gâchis ou qu'elle finisse à la viande parce que trop compliquée gynécologiquement."


"J'ai donc acheté Belle à quelques mois de son terme. Elle était soi disant montée et attelée mais était assez sauvage. J'ai appris, après, qu'elle avait été battue et plutôt livrée à elle-même.
On a donc travaillé sur la remise en confiance pendant que dans le même temps je me formais auprès de vétérinaires pour apprendre les bons gestes au moment du poulinage et les soins au poulain nouveau-né.
J'ai monté Belle et j'ai aussi essayé de l'atteler. Sous la selle, on a réussi ; mais à l'attelage, jamais tant elle était marquée par je ne sais quoi mais une peur panique du bruit de la calèche et du fouet rien qu'à sa vue.
Et le poulain est enfin arrivé après trois semaines de veille liées aux informations approximatives sur la date du terme et à mon inexpérience bien sûr. C'était Leader de Prainville, un joli fils de Gallien.
Ensuite, comme il ne me l'avait pas été caché, Belle n'a pas été très prolifique Pas synchrone avec un problème hormonal avec lequel il fallait ruser avec ou sans succès.
Nous avons eu beaucoup d'autres plaisirs mais peu de poulains : Leader, Notredam, Orgueil, Seigneur et Univers. Comme disent certains, elle n'a pas été usée par les poulinages !! Et combien m'ont dit que ça ne servait à rien de garder ça et qu'il serait plus raisonnable de  la mettre à la viande avant qu'elle ne vale plus rien. Bref, aujourd'hui je ne regrette rien et j'ai tout construit avec elle.
Peu de poulains mais de vraiment bons poulains, l'exemple le plus connu étant Notredam, mais tous les autres ont été conservés chez nous ou ont été vendus et sont valorisés sous la selle, à l'attelage ou en traction animale.
Leader, après une carrière de champion régional d'attelage, est parti en Allemagne, resté entier, et bien que retraité maintenant, il arrosait les plantations dans une exploitation horticole et sert encore aujourd'hui sous la selle pour le plaisir de son propriétaire.
Notredam est maintenant en Seine-Maritime et toujours sous la selle après avoir fait sa carrière à l'attelage, championne régionale elle aussi et une belle carrière en courses.
Orgueil est toujours chez nous. Il a été monté et a fait un bout de carrière de vice-champion régional d'attelage. Etalon approuvé, il a maintenant une carrière de reproducteur en plus de son activité de débardeur (débusqueur).
Seigneur n'a malheureusement pas vécu.
Et Univers est dans l'Orne, sous la selle de sa cavalière de randonnée."

Notredam de Prainvill, née en 2001, fruit de l'union entre Belle des Choux et Czar.

"Belle a eu plus de petits-enfants que d'enfants mais elle a par contre été une exceptionnelle grand-mère des poulains de sa descendance et une excellente éducatrice de tous mes  autres poulains et elle a donc tout de même rempli une sacrée mission en participant grandement à l'effet milieu dont on sait aujourd'hui toute l'importance dans l'équilibre des chevaux.
Ses petits enfants suivent le même chemin que ses enfants et se distinguent par leur excellent mental, leurs belles aptitudes à l'utilisation et aussi en tant que reproducteurs et sauf ceux qu'on a également décidé de garder, ils ont tous été bien vendus. Un de ses petits-fils est d'ailleurs à la Garde Républicaine et un autre exploité en semence congelée, transmet la lignée en Europe et jusqu'en Australie.
Belle a aussi eu les honneurs des plateaux de télévision parisiens et a participé en 2001 à l'émission « Qui est qui » et elle a été une des vedettes du documentaire « Le percheron, un amour de cheval » tourné dans Le Perche.
Comme quoi, le projet de fabriquer des chevaux pour l'utilisation n'était pas vain et même si une jument est normalement faite pour produire, elle peut avoir bien d'autres rôles à jouer et la quantité ne faisant pas toujours la qualité, il faut parfois savoir faire quelques sacrifices pour travailler sur une lignée et Belle des Choux a été et restera toujours la base de notre élevage, un de ses piliers, celle grâce à qui tout a commencé et grâce à qui les premiers résultats sont arrivés.
Bien sûr il y en a d'autres et il y en aura d'autres, mais Belle était une jument toute particulière, avec un fort caractère mais une immense bonté et surtout, surtout, une très très grande dignité. Un collègue l'a surnommée la reine mère et je pense que ça lui est tout à fait adapté."

Orgueil de Prainville, par Belle des Choux et Silver Shadows Sheik, en débardage avec Éric Albert.

"Elle nous a quittés comme elle a vécu, dans la douceur, la tendresse et le calme et c'est tout ce que nous souhaitions pour elle.
Elle était la dernière jument de type postier encore en vie en France, et avec elle s'est éteint ce modèle qui semble pourtant faire défaut."

Belle des Choux.

4 commentaires:

Sylvie MARTZ a dit…

Merci beaucoup Jean Léo, merci pour les honneurs rendus à Belle
J'en suis très touchée

Sylvain Chéron a dit…

Cet hommage m'a amené à relire deux articles anciens du blog, datant du 25 et 26 octobre 2010, intitulés "Percheron / Postier ou Diligencier".
Belle des Choux est mise en avant pour ses qualités et Sylvie Martz donne son avis avec beaucoup de clarté.

Sylvie MARTZ a dit…

Ah oui Sylvain, merci de rappeler cela J'avais oublié et du coup je viens de relire ces articles avec plaisir
Merci beaucoup

Anonyme a dit…

C'est un vrai honneur d'avoir connu cette magnifique jument et d'être propriétaire d'un de ses petit-fils, Vidock d'Albe, étalon approuvé qui est monté, attelé et débarde.

Virginia Kouyoumdjian