lundi 27 mars 2017

Parlons "Bien-Être Équin"


C'est devenu un sujet majeur, pas seulement en France mais dans la plupart des pays au développement de type occidental. Pas un colloque, pas une rencontre, ayant pour thème l'animal de travail qui n'aborde pas le sujet préoccupant du moment, celui du bien-être animal. Ce sujet est devenu sensible au sein de la filière équine dans son ensemble, avec les inquiétudes qui planent sur le devenir du cheval que certains voudraient voir considéré comme animal de compagnie, interdisant toute forme d'utilisation ou acceptant certaines utilisations ciblées et très encadrées.
Pour répondre à cette situation nouvelle, en 2016 plusieurs associations ou fédérations de professionnels de la filière équine ont signé une "charte pour le bien-être équin", définissant huit mesures à respecter. Une charte qui mentionne dans ses objectifs d'"accompagner les professionnels du cheval à exercer aujourd'hui leurs activités dans une perspective de triple performance (économique, sociale et environnementale) prenant en compte le bien-être animal, y compris dans sa dimension éthique". Le texte adopté précise encore que "la charte pour le bien-être animal s'applique à tout type d'équidé, d'élevage, de loisir, de sport, de travail, de trait et de course, et de tous âges". Voici les signataires de cette charte : Association Vétérinaire Équine Française, Fédération Française d'Équitation, Fédération Nationale du Cheval, France Galop, Groupement Hippique National, Le Trot.

Voici les 8 mesures préconisées par cette charte :

Mesure 1. Veiller à établir une relation de confiance lors de la manipulation des chevaux et de leurs contacts avec l’homme.

Mesure 2. Garantir un approvisionnement en eau et en aliments suffisants et adaptés aux besoins physiologiques et comportementaux des chevaux ainsi qu’à l’intensité du travail qui leur est demandé.


Mesure 3. Offrir aux chevaux un lieu de vie aménagé de manière à prévenir les risques de blessures et de maladies et leur permettant de s’adapter aux variations climatiques.

Mesure 4. Veiller à structurer et aménager l’environnement de vie des chevaux de manière à leur permettre d’exprimer leurs comportements naturels et à leur offrir un confort de repos et de travail.

Mesure 5. Respecter le caractère grégaire des chevaux en favorisant les contacts sociaux positifs entre eux afin de limiter les troubles comportementaux.


Mesure 6. Définir collectivement les bonnes pratiques d’élevage, de détention et d’utilisation des chevaux dans l’objectif de limiter les risques sur leur santé.

Mesure 7. Prévenir ou soulager la douleur.

Mesure 8. Assurer, tout au long de la vie des chevaux, les soins nécessaires. Leur mort devant advenir dans des conditions décentes lorsqu’il n’existe pas de thérapies efficaces et économiquement supportables.


Chevaux percherons en Afrique du Sud.

Il faut remarquer le rôle actif joué par l'IFCE dans la sensibilisation de la filière équine à cette problématique du bien-être animal. Toutes les rencontres sur le thème du cheval "utilisé" organisées par l'IFCE, Équi-meeting du Lion-d'Angers, colloque Cheval utilitaire Haras d'Uzès pour les plus récentes, ont fait une large place à cette thématique. Au colloque d'Uzès, Marion Lhôte -pour l'IFCE- au cours de deux interventions particulièrement documentées a passé en revue tous les aspects de ce sujet d'actualité en abordant aussi ce phénomène grandissant que constituent toutes les réactions de "sensiblerie" manifestée par une partie de la population totalement déconnectée de la vie rurale face à l'utilisation d'animaux pour le loisir ou le travail. Il est à noter que l'IFCE vient de créer un blog dédié au comportement et au bien-être du cheval. https://comportementbienetreifce.wordpress.com/

Colloque Cheval utilitaire, Haras national d'Uzès.

L'IFCE n'est pas seul dans cette sensibilisation à l'importance qu'il convient d'accorder au bien-être animal. La FECTU (Fédération européenne des Utilisateurs de chevaux de trait) et les 17 associations d'utilisateurs de chevaux de trait dans quinze pays européens qui la composent, réfléchissent à la meilleure manière d'aborder ce thème. Lors de la récente Assemblée générale de la FECTU qui s'est déroulée au Portugal, on a à nouveau abordé le sujet. La Fédération a décidé de travailler à la rédaction d'un document qui devrait permettre d'engager le dialogue avec décideurs et élus qui travaillent à l'interdiction de l'utilisation du cheval, et de présenter tous les arguments qui plaident en faveur de son utilisation dans le respect le plus strict de son bien-être.




Parmi les objectifs évoqués dans la Charte du bien-être équin signée en 2016 au Salon de l'Agriculture, figure encore d'"encourager la recherche scientifique et la production de références techniques sur le bien-être équin". Une recommandation mise en pratique depuis de longues années par l'association Hippotese qui vient de marquer son 30ème anniversaire au service d'une traction animale respectueuse des animaux et des hommes. Dernière réalisation scientifique en date de l'association, le Datafficher, en démonstration à l'occasion du colloque Cheval utilitaire d'Uzès, dynamomètre à lecture numérique immédiate qui permet à un meneur de connaître à tout moment la force de traction moyenne et le pic de traction auxquels est soumis son animal.


Le Datafficher en démonstration.

Les inquiétudes en rapport avec le devenir du statut du cheval sont de première importance pour toute la filière équine, aussi bien pour le milieu de l'élevage que pour celui de l'utilisation loisir et utilitaire, et nul ne conteste que le bien-être équin est une problématique majeure qui restera sur le devant de la scène dans les années à venir.



Pour continuer notre cheminement "bien-être équin", il peut être intéressant de se replonger dans les conclusions du travail réalisé par l'INRA et l'IFCE en 2012. Les deux organismes avaient produit une étude prospective cherchant à cerner les futurs possibles pour la filière équine à l'horizon 2030.
"Le recul des soutiens et de l'encadrement de l'État, l'augmentation de la concurrence internationale, le fait que certaines activités reposent principalement sur des amateurs passionnés ou encore les nouvelles préoccupations de la société en termes de bien-être animal fragilisent le développement socio-économique futur de la filière", pouvait-on lire dans le compte-rendu de cette étude dont la mouture finale faisait état de non pas un mais quatre schémas prospectifs pour la filière. Quatre scénarios "possibles" ainsi résumés :

  • Tous à cheval. Le cheval dans le marché des loisirs, porté par une diversité d'entreprises.
  • Le cheval des élites. Des usages restreints dans une société de fracture sociale et de pression sur les ressources naturelles.
  • Le cheval citoyen. Le cheval dans l'action publique et collective, lien entre les hommes, les territoires et la nature.
  • Le cheval compagnon. De l'exploitation au prendre soin, la recherche du bien-être de l'animal.
Parmi les préoccupations communes aux quatre scénarios des possibles figure en bonne place : "La relation de l'homme au cheval, un élément central à prendre en compte et à mieux connaître".
Les premiers retours suite à des travaux de suivi sur l'évolution de la filière équine depuis la réalisation de cette étude semblent indiquer que la filière ne suivrait pas un des quatre schémas élaborés mais irait plutôt vers un patchwork fait d'éléments composant ces quatre schémas.
Pour voir les conclusions de cette étude :  
http://inra.dam.front.pad.brainsonic.com/ressources/afile/224956-be527-resource-prospective-filiere-equine-4-pages.html

Revenons dans la vie du cheval qui nous intéresse, le cheval de trait. Redevenu cheval "utilisé" depuis le début des années 1980, d'abord en cheval loisir puis en cheval utilitaire, le cheval de trait ou plutôt ceux qui l'élèvent ou l'utilisent ne peuvent ignorer l'importance grandissante de la place accordée au bien-être animal. Quand bien même le feraient-ils, "le grand public" et son bras armé "les réseaux sociaux" seraient prompts à délivrer quelques rappels à l'ordre.
Parmi les utilisations qui ne manquent pas de susciter quelque émoi figurent les concours de traction, en particulier les plus extrêmes d'entre eux. Ces épreuves prisées par les uns se révèlent insupportables pour d'autres et ne font que fournir des arguments aux partisans du cheval compagnon.
Il faut reconnaître que les épreuves de traction telles qu'elles sont pratiquées en France et dans les pays de l'ouest européen ne sont en rien comparables à ce qui se fait dans d'autres pays.

Concours de traction, État d'Indiana, USA.

La palme des concours de traction revient sans conteste aux deux pays anglo-saxons nord-américains, les États-Unis et le Canada. Les concours de traction, particulièrement violents, avec des chevaux de trait conditionnés aux charges extrêmes par des meneurs quasi professionnels se déroulent dans de nombreux État sous forme d'un circuit de compétitions étalées sur une période d'environ 7 mois. Un spectacle qui peut même se révéler dérangeant pour des personnes au fait de l'utilisation du cheval de trait.


L'attelage de type "prestige" pratiqué aux États-Unis et au Canada alimente aussi de nombreuses polémiques, en cause l'utilisation de ferrures surdimensionnées et d'enrênements particulièrement contraignants.

Chevaux percherons, Des Moines, Iowa, USA.

Un tour d'horizon des pratiques extrêmes en matière de traction serait incomplet sans un arrêt dans l'île de Hokkaido au Japon, où des courses de traction qui font l'objet de paris se déroulent sur une piste ensablée de 200 mètres comportant deux bosses, trois jours par semaine, les samedis, dimanches et lundis. Les chevaux sont attelés à des chariots de plusieurs centaines de kilos et sont très sollicités par les jockeys qui utilisent en quasi permanence les guides en guise de fouet.


Course de banei, Obihiro, Hokkaido, Japon.

En 2007-2008, les courses de banei ont failli disparaître. En cause, un déficit colossal. À cette occasion, des manifestations importantes avaient eu lieu dans l'île de Hokkaido pour demander l'arrêt de ces épreuves, qui ont repris après 6 mois d'interruption, sur le seul hippodrome d'Obihiro alors qu'auparavant les courses se déroulaient sur 4 hippodromes. C'est grâce au soutien financier d'un groupe de téléphonie que ces épreuves ont pu reprendre.




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