Les générations percheronnes passent. Les petites histoires d'une multitude de chevaux percherons s'additionnent pour composer la grande histoire de la race. Belle des Choux, âgée de 27 ans, sans doute la doyenne des juments percheronnes, a tiré sa révérence il y a quelques jours.
C'est à l'âge de 10 ans que Belle des Choux a intégré l'élevage de Sylvie Martz à Saint-Jean-Pierre-Fixte près de Nogent-le-Rotrou en Eure-et-Loir.
Sylvie nous raconte "la petite histoire de Belle des Choux" qui, comme tant d'autres percheronnes et percherons avant elle, ont contribué à dessiner le fabuleux destin de la race chevaline originaire du Perche.
Belle des Choux est née en 1989, par Paulo et
Radieuse par Jongleur, chez Mr Huard à Sées (61). Jument légère de petite
taille (1,66m) de l'ancien type postier.
"De type postier, Belle des Choux était
recherchée par certains à l'époque, mais cela l'a pénalisée en concours car
après une belle carrière de modèles et allures, la grille des tailles a changé,
le type postier a été aboli et elle se retrouvait jugée en diligencière mais
finissait toujours quasi en queue pour manque de taille !
Hé oui, le diligencier petite taille n'existe
tout simplement pas et après sa sélection pour le Mondial 2001, et une saison
2002 juste en local, j'ai décidé d'arrêter sa carrière de concours.
Sa morphologie a servi de référence lors de
la création du guide de jugement de la SHP car elle était donnée pour parfaite
et sa tête était portée en référence comme modèle d'une très belle tête
percheronne. Il était dit qu'elle pouvait représenter ce que devrait être le
modèle diligencier mais avec plus de taille et cela a été un bon guide pour moi
dans ma réflexion d'accouplements."
Belle des Choux et Czar of Livingstone Valley au haras de Montigny en 1999.
"J'ai eu Belle quand elle avait 10 ans, au
moment où, 4 ans après mon installation, François Chouanard m'a convaincue que
je pourrais arriver à m'occuper de juments alors que je ne cessais de lui dire
que je n'y connaissais rien, que jamais je ne saurai pouliner une jument ni
soigner des poulains.
En fait, avant, j'achetais des mâles pour les
éduquer, les dresser et les revendre. Et puis à force de discuter avec
François, de l'avenir de la race percheronne, de sa conviction qu'il fallait
fabriquer des chevaux pour l'attelage, le loisir... parce que le marché allait
être là, et aimant moi-même les chevaux plutôt légers et dynamiques, de fil en
aiguille, il m'a convaincue que je parviendrai à mener à bien mon propre projet.
J'ai craqué et dès lors, il m'a aidée à
monter ma jumenterie.
Il m'a conseillé Belle en premier et bien
d'autres après, mais Belle lui tenait particulièrement à cœur et pour lui
c'était une jument à avoir absolument, un modèle exceptionnel comme il disait.
Et puis, comme il disait aussi, si Belle restait là où elle était, il était sûr
qu'elle ne vivrait pas vieille. Après être passée de mains en mains, elle était
en effet pleine de Gallien mais très difficile à faire prendre et en plus il
n'avait pas confiance dans celui qui gérerait le premier poulinage de cette
jument de 10 ans et il craignait que tout se finisse en gâchis ou qu'elle
finisse à la viande parce que trop compliquée gynécologiquement."
"J'ai donc acheté Belle à quelques mois de son
terme. Elle était soi disant montée et attelée mais était assez sauvage. J'ai
appris, après, qu'elle avait été battue et plutôt livrée à elle-même.
On a donc travaillé sur la remise en
confiance pendant que dans le même temps je me formais auprès de vétérinaires pour
apprendre les bons gestes au moment du poulinage et les soins au poulain
nouveau-né.
J'ai monté Belle et j'ai aussi essayé de
l'atteler. Sous la selle, on a réussi ; mais à l'attelage, jamais tant
elle était marquée par je ne sais quoi mais une peur panique du bruit de la
calèche et du fouet rien qu'à sa vue.
Et le poulain est enfin arrivé après trois
semaines de veille liées aux informations approximatives sur la date du terme
et à mon inexpérience bien sûr. C'était Leader de Prainville, un joli fils de
Gallien.
Ensuite, comme il ne me l'avait pas été
caché, Belle n'a pas été très prolifique Pas synchrone avec un problème
hormonal avec lequel il fallait ruser avec ou sans succès.
Nous avons eu beaucoup d'autres plaisirs mais
peu de poulains : Leader, Notredam, Orgueil, Seigneur et Univers. Comme
disent certains, elle n'a pas été usée par les poulinages !! Et combien
m'ont dit que ça ne servait à rien de garder ça et qu'il serait plus
raisonnable de la mettre à la viande
avant qu'elle ne vale plus rien. Bref, aujourd'hui je ne regrette rien et j'ai
tout construit avec elle.
Peu de poulains mais de vraiment bons
poulains, l'exemple le plus connu étant Notredam, mais tous les autres ont été
conservés chez nous ou ont été vendus et sont valorisés sous la selle, à
l'attelage ou en traction animale.
Leader, après une carrière de champion
régional d'attelage, est parti en Allemagne, resté entier, et bien que retraité
maintenant, il arrosait les plantations dans une exploitation horticole et sert
encore aujourd'hui sous la selle pour le plaisir de son propriétaire.
Notredam est maintenant en Seine-Maritime et
toujours sous la selle après avoir fait sa carrière à l'attelage, championne
régionale elle aussi et une belle carrière en courses.
Orgueil est toujours chez nous. Il a été
monté et a fait un bout de carrière de vice-champion régional d'attelage.
Etalon approuvé, il a maintenant une carrière de reproducteur en plus de son
activité de débardeur (débusqueur).
Seigneur n'a malheureusement pas vécu.
Et Univers est dans l'Orne, sous la selle de
sa cavalière de randonnée."
Notredam de Prainvill, née en 2001, fruit de l'union entre Belle des Choux et Czar.
"Belle a eu plus de petits-enfants que
d'enfants mais elle a par contre été une exceptionnelle grand-mère des poulains
de sa descendance et une excellente éducatrice de tous mes autres poulains et elle a donc tout de même
rempli une sacrée mission en participant grandement à l'effet milieu dont on
sait aujourd'hui toute l'importance dans l'équilibre des chevaux.
Ses petits enfants suivent le même chemin que
ses enfants et se distinguent par leur excellent mental, leurs belles aptitudes
à l'utilisation et aussi en tant que reproducteurs et sauf ceux qu'on a
également décidé de garder, ils ont tous été bien vendus. Un de ses petits-fils
est d'ailleurs à la Garde Républicaine et un autre exploité en semence
congelée, transmet la lignée en Europe et jusqu'en Australie.
Belle a aussi eu les honneurs des plateaux de
télévision parisiens et a participé en 2001 à l'émission « Qui est
qui » et elle a été une des vedettes du documentaire « Le percheron,
un amour de cheval » tourné dans Le Perche.
Comme quoi, le projet de fabriquer des
chevaux pour l'utilisation n'était pas vain et même si une jument est
normalement faite pour produire, elle peut avoir bien d'autres rôles à jouer et
la quantité ne faisant pas toujours la qualité, il faut parfois savoir faire
quelques sacrifices pour travailler sur une lignée et Belle des Choux a été et
restera toujours la base de notre élevage, un de ses piliers, celle grâce à qui
tout a commencé et grâce à qui les premiers résultats sont arrivés.
Bien sûr il y en a d'autres et il y en aura
d'autres, mais Belle était une jument toute particulière, avec un fort
caractère mais une immense bonté et surtout, surtout, une très très grande
dignité. Un collègue l'a surnommée la reine mère et je pense que ça lui est
tout à fait adapté."
Orgueil de Prainville, par Belle des Choux et Silver Shadows Sheik, en débardage avec Éric Albert.
"Elle nous a quittés comme elle a vécu, dans
la douceur, la tendresse et le calme et c'est tout ce que nous souhaitions pour
elle.
Elle était la dernière jument de type postier
encore en vie en France, et avec elle s'est éteint ce modèle qui semble
pourtant faire défaut."
Belle des Choux.
4 commentaires:
Merci beaucoup Jean Léo, merci pour les honneurs rendus à Belle
J'en suis très touchée
Cet hommage m'a amené à relire deux articles anciens du blog, datant du 25 et 26 octobre 2010, intitulés "Percheron / Postier ou Diligencier".
Belle des Choux est mise en avant pour ses qualités et Sylvie Martz donne son avis avec beaucoup de clarté.
Ah oui Sylvain, merci de rappeler cela J'avais oublié et du coup je viens de relire ces articles avec plaisir
Merci beaucoup
C'est un vrai honneur d'avoir connu cette magnifique jument et d'être propriétaire d'un de ses petit-fils, Vidock d'Albe, étalon approuvé qui est monté, attelé et débarde.
Virginia Kouyoumdjian
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