lundi 11 octobre 2010

Des Percherons, Pour Quoi Faire ?

  • Prima d'Omméel à la faucheuse.

En apercevant Prima d'Omméel sur la rive du canal d'Ille-et-Rance, je me suis fait cette réflexion : "Quelle superbe jument de travail".

Fille de Gallien, Prima mesure 1 m 65. Elle a des membres légers, très sains. Ajoutez à cela (même si ça n'est pas un critère de "travail") une superbe robe pommelée. Loin de moi l'idée qu'il y aurait un seul type de cheval de travail. Face à la multiplicité des utilisations, il est évident que le cheval de travail aura diverses morphologies. Cependant, en voyant Prima, j'ai pensé que cette jument correspondait à des utilisations nombreuses et que j'avais devant mes yeux ce percheron que beaucoup d'utilisateurs avaient évoqué avec moi dans des conversations sur ce thème.
La filière équine "trait" traverse actuellement une crise sérieuse. Vous pouvez d'ailleurs voir sur le site de la SHPF (www.percheron-france.org) la lettre que la présidente de la FNC a adressée au ministre de l'Agriculture pour lui demander de prendre en compte la situation actuelle. Voici quelques extraits significatifs :
"Les éleveurs de chevaux de trait... sont confrontés à une baisse des cours de la viande et à des difficultés d'écoulement de leur production. La consommation de viande chevaline des ménages français a été divisée par 6 depuis 40 ans.... A cela il faut ajouter la concurrence que subissent les viandes françaises, des viandes importées. Les éleveurs de chevaux destinés à la viande subissent eux aussi les effets de la hausse du prix des céréales et ceux de la sécheresse... D'autres charges viennent encore alourdir la facture, parmi lesquelles figurent le transport et l'équarissage."
Ce constat édifiant, à lire dans son intégralité, devrait contribuer à alimenter la grande réflexion en cours (?) des Syndicats de race, et donc des éleveurs, sur la production des chevaux de trait. Faut-il continuer à produire autant (15000 poulains "traits" par an) ? Quels chevaux produire ? Quels leviers les responsables de race peuvent-ils actionner pour faire bouger les choses ? De vastes débats en cours et en perspective. Permettez-moi d'y ajouter quelques réflexions personnelles.
  • Princesse de Prainville (ici en épreuve de traction au Grand-Lucé dans la Sarthe) travaille désormais dans la vigne.
Le marché "trait" peut être décomposé assez simplement : des chevaux pour renouveler l'élevage (étalons et poulinières), des chevaux pour l'utilisation en France, des chevaux pour l'étranger et des chevaux pour la viande.
Face au problème que connaît le marché de la viande, face à la difficulté que nous avons à cerner le marché étranger et donc à la difficulté que nous avons à le faire évoluer, le secteur "utilisation" au sens large est sans doute le levier que nous aurions intérêt à considérer en priorité. Cela suppose l'abandon de certains réflexes : "Une mauvaise jument ? Bof, on la mettra à l'attelage ou on trouvera bien quelqu'un pour la faire travailler" . Non. Il est vital de produire de bons chevaux d'utilisation. Le monde de l'élevage devrait donc s'intéresser davantage à ceux qui utilisent les chevaux. Que produire ? Quels étalons sont les mieux à même d'obtenir les résultats escomptés ? Il faut remarquer que des éleveurs ont fait le choix d'orientations franches. En produisant par exemple des diligenciers ou des chevaux noirs... Mais il y a encore une grande majorité d'éleveurs qui produisent sans se soucier des débouchés. En faisant saillir année après année toutes leurs poulinières. C'est peut-être cela, l'élevage passion ? c'était possible quand la boucherie offrait une porte de sortie certes peu rentable mais facile.
L'idéal de l'éleveur est encore trop souvent de produire pour le renouvellement de l'élevage et ensuite, éventuellement, pour l'utilisation. L'utilisation ne doit plus être considérée comme une sous-catégorie mais comme un secteur noble. Pour se convaincre de l'utilité de changer de regard face à l'utilisation, il suffit de voir les spectateurs qui se déplacent aux fêtes organisées à l'Arche de la Nature au Mans (15000 personnes dimanche dernier), à l'Ecomusée du Perche, à Saint-Saturnin dans le Cantal (plusieurs milliers de spectateurs dans les deux cas). En faisant la fête, en se faisant voir, le cheval d'utilisation génère même sa propre publicité. Comment ne pas faire la comparaison avec la boucherie, un débouché que l'on aura de plus en plus envie de cacher ?

2 commentaires:

EdH a dit…

Ceci dit la popularité des traits (des percherons entre autres), dans le cas d'une production sportive (postier), nous permettrait d'envisager de concurrencer les chevaux de selle, chez les particuliers, et d'étendre notre capacité commerciale

Anonyme a dit…

Bonjour à tous,

Les réflexions judicieuses se font attendre !!!
Je suis heureux d’apprendre que la filière utilisation allait peut être devenir une filière noble !!!
Voici donc mon point de vue.
Si le seul but des éleveurs est de produire des poulains pour la boucherie, autant qu’ils élèvent des bœufs ou des porcs (je n’ai rien contre les bœufs ou les porcs).
Il faut se souvenir simplement qu’autrefois la sélection se faisait sur l’aptitude au travail (agricole, militaire, traction dans les mines ou dans les villes…) et que la conformation de la race assurait à l’animal le physique et le mental nécessaire pour « bien vivre » son utilisation, d’ou l’importance de la sélection.
Il n’y a pas de métiers nobles. Faire naitre un poulain doit être source d’émerveillement tout comme l’éduquer ou le faire travailler si toutefois on le fait bien.
La connaissance de l’homme et sa capacité à comprendre et travailler en bonne harmonie avec le cheval est la seule chose qui puisse être noble.
J’aurais aimé voir une demande de reconnaissance du cheval de trait comme « énergie propre et renouvelable » plutôt que de voir l’octroi d’une « prime à la casse ».
J’aimerais voir une véritable réflexion sur le matériel Français à traction animale plutôt que de voir sur certain site « qu’il s’agit de modèles déposés et que toute copie entrainera une action devant les tribunaux »
J’aimerais voir des stages pour apprendre aux hommes le débourrage, le travail à la voix, le labour…

Il n’y a pas opposition entre éleveurs et utilisateurs, bourreliers et charrons-métallurgiste, nous avons tous besoin les uns des autres, recherchons simplement la complicité.

Guy F