La défaite du chef indien Black Hawk de la tribu des Sauk et des Fox en 1832 a-t-elle permis l'implantation de la race percheronne aux Etats-Unis ?
Un peu tiré par le scalp, me direz-vous.
Pas plus tiré par les cheveux que la cavalerie arabe vaincue en 732 au nord de Poitiers et partiellement disséminée dans le Perche. Ou encore le supposé étalon arabe Gallipoly qui aurait façonné la race percheronne et serait le père de Jean le Blanc né en 1823 alors que Gallipoly disparaît du Registre des étalons du Pin en 1820.
Alors, Black Hawk ?
Le leader indien a remis en cause en 1830, 1831 et 1832 un traité de 1804 qui cédait la totalité des terres à l'est du Mississipi à l'Administration américaine. Les 1er et 2 août 1832, la défaite des Indiens emmenés par Black Hawk à la bataille de Bad Axe a entraîné la mise en vente de nombreuses terres par l'Etat américain.
Parmi les tout premiers pionniers à s'installer à l'ouest de Chicago près de la rivière Fox en 1834, un certain Solomon Dunham et sa femme Lydia venus de l'Etat de New York. Le 22 juin 1842 naît leur 11ème et dernier enfant, Mark. Ce Mark W. Dunham allait devenir le plus grand importateur de chevaux percherons des Etats-Unis. Le journaliste américain Joseph Mischka a dit de lui : "Il n'est peut-être pas le père du percheron américain, mais il en est au moins l'accoucheur".
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Photo : Saint-Charles Heritage Center.
A 19 ans, Mark Dunham joue déjà un rôle important sur la centaine d'hectares de la ferme de son père. Depuis 1850, la ligne nouvelle de chemin de fer Galena-Chicago s'arrête dans le village de Wayne où Solomon Dunham s'investit dans la justice, la poste, le chemin de fer et toute la vie du village.
Les premiers percherons d'origine française achetés par Mark Dunham seront Success et French Emperor. Le début d'une Success story qui verra Oaklawn Farm, agrandie à 800 hectares, abriter et nourrir plus de 1000 chevaux percherons.
Pendant 20 ans, Mark Dunham viendra dans le Perche pour acheter des étalons et des juments. "Je me rappelle Mark Dunham qui venait ici pour acheter, année après année. C'était bien avant que notre stud-book soit créé, quand les chevaux pouvaient être exportés vers l'Amérique sans papiers d'origine. Monsieur Dunham est venu ici pendant 20 ans pour acheter entre 100 et 150 chevaux par an...", déclarait l'étalonnier du Perche Edmond Perriot en 1900.
De 1872 à 1880, Mark Dunham importe plus de 300 étalons et 75 juments. Et de 1872 à 1900, 738 percherons sont nés à Oaklawn Farm qui était devenue une ferme modèle d'élevage percheron et de culture où étaient expérimentés les nouveaux matériels créés par la société Mac Cormick. Ces essais se faisaient bien évidemment avec la traction des chevaux percherons de la ferme.
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Photo : Saint-Charles Heritage Center.
Mark Dunham était unanimement apprécié par les éleveurs du Perche qui voyaient en lui un homme d'une grande gentillesse, qui connaissait les percherons et qui payait toujours un bon prix. On le voit sur cette photo en compagnie de trois éleveurs du Perche. Aucune information sur leur identité.
En 1883, dans le 1er volume du stud-book français, figure l'étalon Paul à monsieur Aveline de la Crochetière à Verrières qui sera acheté l'année suivante par Mark Dunham. Un parmi les centaines de chevaux percherons à qui il a fait traverser l'Atlantique en bateau.
C'est sous l'influence de Mark Dunham que le stud-book percheron américain sera ouvert en 1882, un an avant le stud-book français.
Amoureux du percheron du Perche et de la Normandie, Mark Dunham se fait construire en 1880 sur sa ferme de Wayne un château qui ressemble étonnamment à ceux que l'on rencontre en Normandie. Jane, sa petite-fille, dira qu'il ne s'agissait pas de la copie d'un château en particulier mais qu'il était bien inspiré de l'architecture normande.
Parmi les étalons importés, Brilliant 1271, né en 1877 chez Ernest Perriot et importé en 1881, sera l'étalon emblématique de Mark Dunham. On dit que l'éleveur de l'Illinois aurait refusé une proposition d'achat de 20000 $ au moment où le cheval était débarqué dans le port de New York.
A l'occasion de son voyage suivant, Mark Dunham importera Brilliant 1899, le père du premier, ainsi que 30 des produits du fils.
En 2010, le nom de Dunham est toujours très présent dans le village de Wayne et dans la petite ville de Saint-Charles toute proche. Il existe même un musée, fermé pour l'instant mais qui devrait être réouvert dans quelque temps.
La campagne d'autrefois s'est muée en une riche zone périurbaine de la banlieue de Chicago dont le centre est distant de 50 km.
Quelques façades anciennes témoignent d'une autre époque, celle des pionniers blancs.
Le château d'Oaklawn Farm est toujours là. Dans les échaffaudages. Jane, la petite-fille de Mark Dunham, est la dernière de la famille à avoir habité la demeure qui a été vendue en 1987 à Karen et Dave Armbrust. Grâce aux efforts de Jane, l'intérieur du château a été conservé en l'état, ameublement compris.
En regardant du haut des marches les terres en pente douce qui vont jusqu'à la ligne de chemin de fer et au centre de Wayne, on se prend à imaginer les centaines de percherons qui, il y a un siècle et demi, peuplaient ces pâturages.
Quand les chevaux, après leur long voyage en bateau puis en train, découvraient l'herbe de Oaklawn Farm, on les entendait hennir à des kilomètres.
Tradition ancienne, Oaklawn Farm accueille chaque année une chasse au renard. En ce 6 novembre 2010, Dave Armbrust ne déroge pas à la tradition. Il salue les membres de l'équipage Wayne-Dupage Hunt. Aucun renard ne perdra la vie. Les chiens seront simplement lancés à la poursuite d'une "odeur".
Surprise ! Au sein de l'équipage, Jane Carroll Browne sur Jezebel, une percheronne noire. Jamais je n'aurais imaginé voir des percherons sur les terres de Oaklawn Farm.
Mary Burke participait elle aussi à la chasse, avec un demi-percheron.
Quelques-uns des anciens bâtiments agricoles (écuries) ont été restaurés et sont toujours utilisés par le Dunham Woods Riding Club installé dans la maison de brique qui avait été construite par Solomon Dunham quelques années après le premier abri de rondins de bois qu'il avait monté à son arrivée en 1834 aux abords de la Fox River.
En se promenant sur la rive de la Fox River au centre de Saint-Charles, à peu de distance de Wayne, une statue plus grande que nature d'un Indien Neshnabek -"le Peuple de la Vallée"- nous interpelle.
« Écoutez, car je parle une seule fois »
Quand je regarde de l’autre côté des eaux miroitantes de la Rivière Fox, je vois la fumée qui monte des milliers de tipis, là où jadis il n’y avait que de tendres prairies et de luxuriantes forêts au gibier abondant.
Il y a de nombreuses lunes, mon peuple faisait partie des premières voix à être entendues sur cette terre. Nous étions venus pour vivre en paix avec la nature. Nous chassions et pêchions. Nous célébrions des mariages, nous donnions naissance à des enfants, nous mourions quand notre heure était venue. Les os de mon peuple sont mêlés à cette terre. Nous aimions cette vallée.
C’est avec une grande tristesse que nous avons dû quitter notre patrie. Nous étions peu, et les colons étaient nombreux. L’esprit de mes ancêtres n’a jamais quitté cette grande vallée, et parfois vous pouvez apercevoir nos ombres ou sentir notre présence quand nous marchons en silence le long des rives de notre bien-aimée Rivière Fox.
Quand nous avons quitté notre terre, nous avons prié pour que vous aimiez cette vallée autant que nous l’avions aimée. Nous ne faisions qu’un avec la terre, le ciel et l’eau. Nous étions les Neshnabek, le « Peuple » de la vallée.
2 commentaires:
ça me fait plaisir de voir des percherons partipés à une chasse à cour, je suis invitée à participer à l'une d'entres elles dans le Perche en Mars, question de diversifier les activitées avec Qésako...
So Happy you Came to visit us in Wayne! Such a nice history you wrote and I'm so happy to see Jezebel & Myself in your article! Thank you.. Jane C. Browne
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