Le Yankee Veut Du Gros

Nogeant, appartenant à l'élevage E. Dillon & Co (Coll. personnelle).

Déferlant sur le Perche et surtout dans la vallée de l'Huisne autour de Nogent-le-Rotrou dans les années 1880, les Américains ont clairement fait savoir aux éleveurs percherons et en particulier aux grandes familles étalonnières qu'ils souhaitaient se porter acquéreurs de percherons un peu plus étoffés.

Leur vœu fut rapidement exaucé. Mais dans les milieux officiels, Haras, ministères, on s'inquiète et on craint de voir le percheron perdre ses caractères singuliers. On craint aussi de voir le Perche ruiné par les razzias américaines.

Dans la presse, le journal L'Acclimatation, très virulent, ne mâche pas ses mots. Extrait d'un article de 1886.

"Le Yankee veut du gros ; il lui faut du gros ; il paye pour avoir du gros ; il ne s'inquiète pas si le gros déforme le type percheron, lui enlève son cachet natif de distinction, sa virtualité, son énergie, ses aptitudes de postier, de trait léger, qui constituent sa supériorité et font sa réputation.

Quand le Perche ne pourra plus lui procurer le gros qu'il désire, il ira porter ailleurs ses dollars et sa pratique ; mais le Perche sera ruiné, ses produits seront dépréciés, démonétisés, il n'aura plus à offrir que des simili-percherons, dont on ne voudra plus, ce sera de la falsification, de l'imitation, du ruolz (*), du plaqué, de la margarine, que l'on s'empressera de lui laisser pour compte. C'est pourquoi, pendant qu'il en est encore temps, nous croyons devoir rappeler à la Société hippique percheronne, le Caveant Consules ! (**) des Anciens".

(*) ruolz : alliage utilisé autrefois en orfèvrerie pour imiter l'argent.

(**) Caveant Consules ! : Que les consuls prennent garde !

Modesty G et Evalena B à l'élevage E. Dillon & Co (Coll. personnelle).