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Trait percheron.
C'est finalement le 15 février que l'on connaît officiellement les crédits que l'État accorde à la filière trait pour 2012. Je vous épargnerai la formule classique en telle circonstance : "Mieux vaut tard que jamais".
Heureuse de son lobbying couronné de succès qui a permis de conserver pour cette année une enveloppe plus importante que prévu, France Trait, la fédération qui regroupe les neuf associations nationales de trait, nous annonce donc que pour les concours d'élévage modèles & allures et utilisation, la diminution de dotations sera de -24% par rapport à 2011 et que la dotation aux associations nationales de race (ANR) baissera de 8%. À noter que les primes liées à l'étalonnage ne sont pas encore fixées et font l'objet d'arbitrages (voir le communiqué sur le site de France Trait www.france-trait.fr )
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Cob normand.
Je me souviens avoir entendu il y a deux ans quelques personnes "autorisées" annoncer le doigt levé, le ton menaçant : "L'assistanat, c'est fini ! Les races de trait vont devoir prendre leur destin en main".
Dans un premier temps, le petit enfant que je suis toujours a été fort impressionné et même rempli d'inquiétude en entendant cet avertissement solennel. Après réflexion, je me suis cependant réjoui de cette annonce. N'allait-on pas enfin voir les races de trait françaises se pencher sur le problème de leur financement ? J'imaginais déjà des groupes de réflexion sur le moyen de faire des économies et sur les possibilités de générer de nouveaux revenus autres que ceux provenant de fonds publics.
Bref, je voyais un percheron indépendant, ne comptant plus que sur ses seules forces pour assurer son hypothétique retour gagnant. Aux orties, les décennies passées à se complaire dans l'assistanat !
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Trait ardennais.
À part des augmentations de cotisations, je n'ai pas vu grand-chose. Aucune réflexion, aucune mesure concrète, en tout cas chez le percheron, race qui m'est la plus familière. Il est vrai qu'avec le Mondial, on avait d'autres chats à... caresser.
Les ANR ont des excuses à faire valoir. Pourquoi, en effet, se creuser les méninges sur ce problème de financements quand chaque année, on finit par obtenir une enveloppe, certes un peu réduite, mais encore conséquente ? Va-t-on de nouveau, en 2013, nous refaire le coup de l'annonce d'une coupe drastique (-85% annoncés pour 2012) et finalement nous dire, l'année 2013 déjà bien entamée, qu'une fois encore nos Bons Princes ont eu pitié de nous ?
Les ANR peuvent-elles réellement prendre leur destin en main, faire des prévisions, s'organiser un avenir, quand le 1er février, elles ne savent toujours pas de quel budget elles disposent pour l'année à venir ?
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Trait auxois.
En fait, pour être honnête, j'entends beaucoup parler d'argent et de financements. Plus précisément, de subventions. Une grande frénésie s'est emparée du petit monde du cheval de trait où il n'est plus question que de "monter des dossiers". N'oubliez pas d'accoler systématiquement au mot "dossier" les qualificatifs "innovant" et "structurant", faute de quoi la requête n'a aucune chance d'aboutir.
Ce foisonnement est tel que l'on commence à s'y perdre. Il arrive que l'on ne sache plus de quel dossier on parle, à qui il est destiné, et pourquoi il a été préparé. Parfois on découvre un peu tard l'incompatibilité de deux dossiers. De temps à autre, on apprend même que, malgré la crise, il y a encore des fonds disponibles ici ou là mais qu'il faut "monter les dossiers" dans l'urgence. Ne va-t-on pas devoir embaucher des personnes chargées d'aller à la pêche aux fonds ? Dépenser plus pour, peut-être, gagner plus ?
Comme on fait désormais des bilans carbone, préservation de l'environnement oblige, il faudrait peut-être faire des bilans subventions pour voir si l'on n'est pas arrivé à cette situation ubuesque où l'on dépense plus d'argent en recherches de fonds que d'argent réellement collecté (que de kilomètres parcourus pour des réunions à l'utilité questionnable ! Donc de gros frais, sans parler... du bilan carbone !).
Toutes ces pompes à subventions tentent bien évidemment de se brancher sur des organismes qui ont le pouvoir d'accorder des dotations provenant majoritairement de fonds publics. Moins de fonds publics d'un côté (État et sa dotation globale), plus de fonds publics de l'autre (Régions, Conseils généraux, Europe et leurs subventions sur projet)... Ou comment avancer en faisant du sur-place. Loin, très loin, des envolées lyriques sur l'arrêt de l'assistanat annoncé il y a deux ans.
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Trait boulonnais.
Reconnaissons que depuis quelques années, il devient difficile de savoir qui fait quoi dans le petit monde du cheval de trait. Il y a les incontournables : ANR (elles-mêmes divisées en syndicats départementaux), France Trait, IFCE, France Haras. Il y a aussi de nombreux organismes actifs dans certains secteurs de la filière et dont on voit apparaître le nom de temps à autre. Citons pêle-mêle sans aucun jugement de valeur : UNIC, Commission nationale des chevaux territoriaux, FNC, SHF, Parcs nationaux, sans oublier les multiples associations liées à l'utilisation et à la formation. Pour couronner le tout, nous apprenons la naissance de la "Maison mère du cheval de trait", une structure supplémentaire qui va sûrement tout simplifier.
Face à cette pléthore d'acteurs, il y a les bailleurs de fonds, ceux qui tiennent les cordons des bourses : Régions, Conseils généraux, Fonds européens, Fonds Éperon... Ce foisonnement de "partenaires" qui se retrouvent, se séparent, au gré des projets, des dossiers, nous fait souvent oublier que c'est le cheval de trait, à l'avenir incertain, qui devrait être au centre des préoccupations, et pas la bureaucratie bien portante et même un peu grassouillette qui l'entoure.
Force est de constater que le cheval agricole d'autrefois, en passe de se débarrasser de ses habits passéistes et repeint en vert aux couleurs de l'écologie, fait naître des ambitions. Chacun essayant d'occuper le terrain du mieux qu'il peut, certains dans une situation de sauve-qui-peut, sans se soucier de conserver une approche globale plus constructive.
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Trait breton.
Mes idées d'indépendance pour le percheron et les chevaux de trait, il y a quelque temps que je les ai rangées aux oubliettes. À certains moments, j'ai l'impression de voir un théâtre de marionnettes avec chacun des acteurs de la filière agitant une ou plusieurs ficelles et parfois tentant de piquer la corde du voisin.
Le percheron que j'imaginais volant de ses propres ailes, conquérant de nouveaux territoires, n'a peut-être jamais été aussi dépendant. D'un être humain, on dirait qu'il est sous perfusion.
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Trait comtois.
C'est toujours avec étonnement que je relis ce discours prononcé en 1893 par Michel Fardouet, le 1er président de la SHPF : "... notre Société, marchant résolument de l'avant, n'a pas cessé de poursuivre son but, c'est-à-dire de travailler au progrès, au perfectionnement de notre race de trait et cela, sans solliciter aucun secours pécuniaire de l'État".
Bien sûr me direz-vous, cette année-là, la SHPF vieille de 10 ans comptait plus de 2600 adhérents et enregistrait plus de 3500 poulains par an. Plus facile, dans ces conditions, d'être indépendant.
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Trait du Nord.
Je sais que nous vivons actuellement une situation bien différente et qu'il faut se serrer les coudes pour assurer l'avenir du cheval de trait. Néanmoins, souvent, après m'être laissé aller à certaines de ces lectures nées d'écrits de temps bénis, victime consentante d'une montée irrépressible d'idéalisme, me vient une envie, celle de crier à tue-tête : "Vive le percheron libre et indépendant !".
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Trait poitevin.
1 commentaire:
Moi, demain je labour une vigne en Bourgogne! Comme hier... et comme avant hier...
Prosper
Percheron libre (... de toute subvention)
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