Qu'est-ce que le "vrai" cheval percheron ? Y a-t-il ou a-t-il existé un modèle de percheron qui puisse être désigné comme étant "le" cheval percheron ?
Tenter d'apporter des éléments de réponse à ces interrogations ne peut se faire qu'en se penchant sur le passé du cheval qui a fait la renommée de la province qui l'a vu naître, le Perche.
L'étalon Success importé aux États-Unis en 1868 par W. J. Edwards et qui devient quelque temps plus tard le 1er cheval percheron de Mark W. Dunham.
Du début du 19ème siècle, époque où apparaît le percheron moderne et où le cheval du Perche commence à être connu sous ce nom de "percheron", jusqu'à aujourd'hui, le modèle percheron n'a cessé de se modifier. En permanence. De plus, pratiquement à chaque époque on a vu cohabiter deux modèles de percheron, parfois trois.
Le 19ème siècle a été sans conteste celui où le cheval du Perche a connu d'importantes évolutions dans sa morphologie et son modèle. Ce qui n'a pas manqué de susciter débats et atermoiements de tous ceux qui vivaient au plus près de la race, éleveurs et utilisateurs, et surtout responsables des filières équines de l'époque au premier rang desquels les officiers des Haras impériaux puis nationaux qui ont beaucoup traîné des pieds avant que le cheval de trait agricole ne franchisse les portes de leurs établissements. Ce qui fut particulièrement vrai pour le Haras du Pin qui, dans les années 1800-1820, ne voyait que par le cheval d'armée.
L'étalon Sultan importé aux États-Unis en 1881 par W. T. Walters.
Une simplification rapide nous amène souvent à penser qu'avant le cheval agricole qui a pris de plus en plus d'importance au fur et à mesure que le 19ème siècle se déroulait, le percheron n'était qu'un cheval léger, trottant vite sur de longues distances, attaché au service des postes et des diligences.
Il faut bien comprendre que déjà dans la 1ère moitié du 19ème siècle, le cheval percheron est un animal de trait qui répond à de multiples usages : agriculture, armée, transport, etc, comme en témoigne cet article du journal Le Nogentais en date du 21 avril 1849 : "L'emploi du cheval percheron s'est développé d'une manière si générale en France et à l'étranger même que la conservation de la race percheronne est d'une importance nationale. Elle intéresse à la fois l'agriculture, l'industrie et l'armée. Le Perche ne fournissait guère autrefois que des animaux de gros trait destinés à opérer une traction lente sur des chemins généralement mauvais ; tandis que, depuis un certain nombre d'années, on recherche spécialement le cheval léger, sinon par ses formes, du moins par ses allures et son énergie. Le Perche fournit aujourd'hui les chevaux de roulage accéléré et un nombre considérable de carrossiers pour le service des postes, des messageries, des omnibus et pour une infinité de services particuliers. L'Administration de la guerre achète aussi pour la remonte de l'artillerie et de la cavalerie. Le bon état des routes, la réduction des pentes, l'ouverture de nouvelles voies de communication tendront de plus en plus à substituer le cheval aux allures légères au cheval pesant de gros trait".
Courses de Mondoubleau le 4 octobre 1862.
C'est dans cette optique de favoriser l'émergence d'un percheron léger que furent créées à partir de 1840-1850 des courses réservées à la race percheronne à Illiers, Courtalain puis Mondoubleau et Mortagne. Dans les concours d'élevage de l'époque, la division entre gros trait et trait léger est bien réelle. Ainsi au Concours général d'animaux reproducteurs à Orléans en 1853, le réglement précise : "La race chevaline percheronne sera divisée en deux classes, la 1ère classe comprendra les chevaux de gros trait pour lesquels trois prix seront affectés formant une somme de 2400 Francs, la 2ème classe comprendra les chevaux de trait léger auxquels seront décernés trois prix d'une valeur de 2400 Francs".
En 1859, le journal L'Union agricole écrit : "Le cheval percheron que nous avons connu et vu de nos yeux depuis le commencement de ce siècle jusque vers 1840 ressemblait peu à celui que nous produisons à présent". Dans le même numéro, le journal fournit son analyse : "La disparition presque complète de nos établissements de postes et de diligences et par contre le grand transport de matériaux nécessités pour les immenses travaux de Paris, les fortifications, etc... ainsi que la grande extension de certaines entreprises de roulage et de camionnage ont fait croire, à tort, à nos éleveurs, qu'afin d'avoir un débouché certain pour leurs produits, il fallait leur donner beaucoup plus de taille et en même temps plus de gros".
On perçoit au travers de ces quelques extraits combien, dans cette 1ère moitié du 19ème siècle et jusqu'au début des années 1870, dans un monde qui vit une véritable révolution agricole puis industrielle en même temps qu'un bouleversement des transports, le modèle percheron fait des allers-retours permanents pour tenter de s'adapter aux changements rapides de la société française.
La jument Mignonnette 584 (1447) importée aux États-Unis en 1876 par Mark W. Dunham.
Entre 1872 et 1875, le Perche voit arriver ses premiers Américains. Ils s'appellent Mark W. Dunham et Isaiah Dillon. D'autres vont très vite les imiter. Parmi ceux qui reviendront année après année acheter étalons et juments, on peut citer les noms de Ellwood et de Singmaster parmi bien d'autres.
À la recherche de chevaux tractionneurs pour l'agriculture mais aussi pour les transports en milieu urbain, les Américains font clairement savoir qu'ils souhaiteraient des chevaux plus volumineux, comme en témoigne Edmond Perriot, l'un des plus grands étalonniers percherons de l'époque : "Si je me souviens bien, ce sont les Ellwood vers 1881 qui, les premiers, ont marqué un désir d'acheter des chevaux plus gros".
L'étalon Eldorado importé aux États-Unis en 1878 par Mark W. Dunham.
Toute la décennie 1880 va être marquée par un alourdissement des percherons qui ne va pas manquer de créer beaucoup de polémiques. En 1886, même le ministre de l'agriculture Jules Develle y va de ses recommandations lors du 2ème Concours national de la race à Nogent-le-Rotrou : "On réclame aujourd'hui dans vos chevaux la force et la corpulence ; on les rend absolument dissemblables de vos postiers d'autrefois. Je n'y vois pas d'inconvénient si toutefois vous agissez avec une grande réserve, si vous avez résolu de maintenir votre race et de ne pas vous laisser enlever trop tôt vos belles juments".
Les éleveurs de percherons, au premier rang desquels figurent les principaux étalonniers de l'époque, les Perriot, Tacheau, Chouanard, Fardouet, Ducœurjoly, convaincus par les fortes pluies de dollars qui s'abattent au printemps sur le cours de l'Huisne entre Rémalard et la Ferté-Bernard, avec d'importants pics de pluviométrie du côté de Nogent-le-Rotrou, répondent favorablement aux souhaits des acheteurs américains et produisent alors un percheron qui prend des formes et que certains craignent de voir perdre "son sang", entendez ses allures, au profit d'un comportement lymphatique.
Mais d'une manière générale, dans tout le Perche, on voue aux Américains acheteurs de percherons un véritable culte. Percherons et Américains sont associés pour le meilleur, comme on peut le voir dans cette strophe extraite d'un long poème écrit par Constant Portelette :
"Salut, nobles chevaux ! La France votre mère
Vous a fait un robuste et sain tempérament.
Ne l'oubliez jamais. Dunham vous traite en père ;
De vous, à notre table, il parle tendrement".
L'éleveur de percherons des années 1880 doit jongler avec un marché complexe, comme en témoignent ces quelques mots d'Ernest Perriot : "Les types de percheron qui nous intéressent, nous éleveurs, aujourd'hui, peuvent être divisés en trois catégories : le type recherché par les Américains, le type acheté par les Haras gouvernementaux et le type que les éleveurs aiment voir".
L'étalon Paul à Jules Chouanard, Verrières, en 1902.
La dernière décennie du 19ème siècle va voir les Américains faire preuve d'un peu plus de retenue en ce qui concerne l'alourdissement du cheval percheron, ce qui aura bien évidemment pour effet de faire retomber les polémiques concernant le modèle percheron.
À suivre dès demain.
2 commentaires:
bonjour de belgique, bel article pour re lancer le débat.
Personnellement je pense que l'avenir du percheron est dans les deux classifications actuelles. Mais je me permet de relever que le diligencier est celui qui pourrait mieux se développer. Chez nous en utilisation de loisir le percheron est quasi inexistant.Nous retrouvons beaucoup de franche montagne ainsi que des cobs normands et quelques comtois dans nos rassemblements. mais peu ou pas de percheron. Exemple sur la route d'alsace un seul attelage percheron pour plus de soixante présents.Je possède un seul percheron qui est de type diligencier (ingao)
suite. Ce cheval va faire ses premières routes ou concours cette année. Soit en simple ou en paire avec une jument cob. Le peu de sorties l'année passée m'ont montré combien le percheron diligencier est méconnu. Beaucoup s'imagine le percheron comme un trait belge... Alors n'hésitez pas à montrer et promouvoir la race.Pourquoi pas à la foire agricole internationale de LIBRAMONT fin juillet avec un stand percheron,ou une présentation, j'attends vos mail pour y venir...
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