En décidant de passer deux semaines en Roumanie, je m'étais fixé deux objectifs : voir ce qu'était la traction animale et tenter de cerner "le marché" percheron. En effet, depuis 2006 une cinquantaine de percherons -étalons et poulinières- ont été importés par ce pays. Pour quelle utilisation ? Partons à la découverte des percherons roumains pour tenter de comprendre.
C'est Marius Chiorean qui nous sert de guide pour cette première visite en Transsylvanie à Sebes. Dès notre arrivée, George Vintan sort ses deux étalons des écuries toutes neuves. Il s'agit de Quality du Plessis et de Rustic du Plessis, deux étalons qui n'ont jamais été présentés en concours en France et qui appartenaient -au moment de leur achat- à François Chouanard. George Vintan est venu à deux reprises au concours national percheron, accompagné de Marius. Pour moi, c'est la surprise, ces deux étalons noirs en parfait état pourraient faire "les beaux jours" de nos étalonniers français...
Les deux étalons devraient être utilisés pour la monte avec des juments plus légères, pour la production de chevaux demi-lourds. Malheureusement l'anémie infectieuse très répandue dans toute la région a incité George à prendre des mesures de précaution et ses étalons n'ont effectué qu'une saillie chacun.
Une seconde visite à Sanpaul, à une vingtaine de kilomètres au nord de Cluj-Napoca. C'est encore Marius qui nous sert de guide. En l'absence du propriétaire Radu Tonea qui travaille à Cluj, nous retrouvons les chevaux à l'herbe.
Les prés clos n'existent pas en Roumanie. Les chevaux sont le plus souvent à l'écurie ou en extérieur attachés à un piquet à une corde de longueur... variable. Ils peuvent être aussi en liberté avec parfois bovins et moutons, sous la surveillance d'un gardien. Une dizaine de chevaux, des traits belges, deux percheronnes adultes et quelques jeunes de 1 et 2 ans, forment le troupeau qui apparemment n'est pas dans un excellent état. Marius me confirme que ces chevaux ont connu des jours meilleurs, mais que la crise est passée par là. Dans ce cas-là, les chevaux lourds que l'on destine à la reproduction (croisements) ne figurent pas dans la liste des priorités.
C'est avec l'aide de Ciprian Daraban que je parcours la région de Sighisoara. Nous nous rendons à Daïa au terme d'une route empierrée pour y retrouver Jean Babos et son fils Domitian. Ils nous présentent Nimbus 4 : "Le premier percheron importé en Roumanie". Il serait arrivé par l'ouest du pays, sans plus de précisions.
Jean Babos a effectué un voyage en France fin 2007. Il rentrera au pays avec 22 percherons, pour l'essentiel de l'élevage Eugène Richer.
Avec 300 hectares en herbe en sa possession, Jean Babos avait décidé d'arrêter l'élevage de moutons et d'investir, sur les conseils d'un ami au ministère de l'Agriculture, dans les chevaux de race. Ce sera la race percheronne. Aujourd'hui, tous les percherons importés par Jean Babos ont été revendus à des agriculteurs-éleveurs de la région. Avec une finalité quasi unique : la reproduction. Des croisements avec des races plus légères. D'ailleurs, Domitian nous présente deux étalons demi-lourds, l'un pommelé et l'autre noir, issus de ces croisements.
A une trentaine de kilomètres de Sighisoara, sur une route d'altitude, un troupeau de moutons. Quelques chevaux aussi. Je repère une jument. Percheronne, de toute évidence. Non marquée à l'encolure. Produit d'une jument pleine importée de France ? Les bergers nous disent que c'est un cheval belge (?) acheté à un marchand de passage. Ah... les marchands ! C'est la seule jument lourde du groupe, une poulinière qu'ils attellent pour de petits travaux et dont ils ne sont pas totalement satisfaits. "Vos chevaux lourds sont moins bons pour le travail que nos chevaux légers". A trois reprises, des personnes différentes m'assèneront cette remarque qui -s'ils l'avaient entendue- aurait fait se retourner dans leur tombe mes ancêtres qui ont toute leur vie travaillé avec des percherons. Mais cela s'explique. Le cheval de travail roumain doit être capable de trotter sur des kilomètres pour emmener son petit monde au village, mais aussi de tirer de lourdes carrioles chargées de foin (en paire si nécessaire). Une polyvalence que ne peut satisfaire le trait lourd, solide travailleur plus coutumier du pas que du trot.
- Gheorghe Popescu, avec Ondine des Marais.
Dernière étape dans notre périple percheron, l'élevage de Gheorghe Popescu. En l'espace d'une année, l'homme de Bucarest s'est porté acquéreur de 22 percherons. Etalons, poulinières, pouliches et poulains. La ferme de Gheorghe Popescu est à 160 km de Bucarest, en direction de la Mer Noire. Une zone de plaines vouées exclusivement aux cultures céréalières. A plusieurs centaines de kilomètres de la Transsylvanie et de ses étendues inépuisables d'herbe. Une situation qui n'est pas idéale, surtout si l'éleveur roumain veut continuer à s'investir dans la race percheronne. On peut penser que l'éloignement des zones d'élevage de la Transsylvanie ne facilitera pas le commerce qu'il entend développer.
2 commentaires:
Un reportage très intéressant et des photos magnifiques qui nous offrent un moment d'évasion. Merci Jean-Léo !
Magnifique!
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