Harlange. Luxembourg.
Aller de Bastogne en Belgique jusqu'à Harlange à une vingtaine de kilomètres n'a pas été le plus difficile. Dans ces deux pays qui connaissent des hivers rigoureux, toutes les routes principales sont déneigées de bonne heure le matin.
Il est à peine 8 heures quand le camion qui emmène Rio du Mesnil, le percheron, et Bijou, l'ardennais s'attaque au chemin qui conduit à la parcelle. Ce n'est plus tout à fait la nuit mais pas vraiment le jour. Aucune trace récente de véhicule dans la neige. Une observation plus attentive nous révélerait sans doute une multitude de passages d'animaux petits et grands. Dans la cabine, François Lefieux et Florentin Guillaume restent silencieux, comme fascinés par la beauté des paysages qui peinent à se dessiner dans le lointain.
"C'est là". La forêt a englouti hommes et chevaux dans ses longs bras tendus vers le ciel. Alors qu'il faisait presque jour dans la montée en terrain découvert, la nuit est de retour au cœur de ce massif de feuillus. La neige est bien tombée durant la nuit. C'est un jour où Djack, le chien de François, aurait souhaité avoir les pattes plus longues.
Elles les attendent, allongées, immobiles, ces longues tiges de chêne souvent biscornues. La neige leur fait un linceul blanc. Leur manque de rectitude les a empêchées d'atteindre les cimes. Elles finiront dans l'enfer brûlant des bûchers modernes que sont les poêles à bois.
"C'est quel numéro ?"
"5"
"Moi, j'suis dans le 3"
Toutes les grumes ont été marquées d'un numéro de couleur. Il faut bien évidemment les attrouper en bordure de parcelle selon ces numéros. Roland et son débusqueur à pince se chargent de les convoyer jusqu'à l'aire de dépôt. Les bottes seront ensuite mises à l'encan et partiront au plus offrant pour la crémation.
François Lefieux est le plus belge des débardeurs français. Homme de cheval de longue date, il s'est converti au débardage équin en 2009. Depuis deux ans, on le voit beaucoup en Belgique et au Luxembourg. Ses amis belges lui ont tendu les bras. Des débardeurs français, il avait pourtant eu des promesses... Celui que les débardeurs belges appelaient "le Français" est devenu tout simplement "François".
À Framont en 2011, lors du Championnat d'Europe de débardage, il avait gagné l'épreuve à la voix au nez et à la barbe de l'armada belge pourtant peu encline à s'en laisser conter sur ses terres. Il avait aussi terminé à la 2nde place au classement général de l'épreuve en simple. "Le Français" avait gagné de belle manière ses galons belges de débardeur.
Florentin représente l'avenir. Sans doute marchera-t-il dans les pas de Marc, son père. À 20 ans, il possède une maîtrise du débardage équin qui impressionne. Avec la complicité de Bijou, il fait glisser les grumes en silence, comme s'il fallait à tout prix respecter ces lieux magiques que sont les forêts.
À 17 heures, Bijou, Rio, Djack, François et Florentin ont quitté la forêt. La nuit affichait des marques d'impatience et il valait mieux retrouver la chaleur des écuries et des maisons. Le lendemain, François, Florentin et Djack seront encore là à attrouper. Bijou et Rio seront laissés au repos. Sica et Ulysse prendront le relais.
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