dimanche 10 avril 2011

Le Sureau, C'Est Pas Du Pipeau

Sureau, nm : arbuste dont les fleurs donnent un fruit noir ou rouge et dont le bois renferme un large canal à moelle.
Jusqu'à ma visite à Plestin-les-Grèves dans les Côtes-d'Armor, le sureau était pour moi synonyme de pipeau. A ce que je croyais, la plante à moelle débarrassée de sa substance molle ne pouvait servir qu'à faire des pipeaux.
Enfant, mon grand-père m'avait tout appris de l'art du pipeau de sureau. En regardant s'écouler l'eau des fossés où je construisais des barrages, je tentais en soufflant à m'époumoner d'arracher quelques sons à mes pipeaux de sureau. Ma carrière musicale s'arrêtera là. Celle d'entrepreneur de travaux publics aussi.
C'est sur les côtes bretonnes, un demi-siècle plus tard, que j'ai découvert la nature cachée du sureau. Glenn, Vincent, Adrien et Jean-Jacques n'avaient qu'un mot à la bouche : "l'envahisseur". J'en frémissais. "C'en est plein, sur les dunes, sur la rive du Douron", me disaient-ils. Mais je savais qu'avec eux, je ne craignais rien.
Il y a plusieurs années que Jean-Jacques et ses acolytes se sont mués en pourfendeurs des envahisseurs. Leurs armes ont nom Ken Brao et Ramsès, des enfants du pays bien décidés à bouter hors de Bretagne les colonisateurs de toutes espèces.
A la tête de ses troupes, du Morbihan aux Côtes-d'Armor en passant par le Finistère, Jean-Jacques a déjà mené des batailles sans merci face aux rhododendrons et aux lauriers-palmes, des ennemis redoutables qui profitent de la discrétion des couverts forestiers pour s'enraciner de manière durable.
Le sureau, nouveau venu au répertoire des plantes invasives ; le sureau, la plante nitrophile, qui aime l'azote ; le sureau, la plante des terrains enrichis ; le sureau, sur le terrain souvent enlacé avec le roncier, est un adversaire à ne pas négliger.
Le sureau n'est pas le roseau, qui plie mais ne rompt point.
Le sureau casse. Sèchement. Comme du verre.
A la manière du lézard qui, sous la patte du chat, est toujours prêt à sacrifier sa queue pour ne pas perdre la tête, le sureau se sépare volontiers de ses branches pour garder racines en terre.
Ken Brao et Ramsès savent y faire : s'engager dans le collier, attendre l'ordre, faire un pas, un petit pas, parfois deux, puis recommencer.
Dans quelques mois, les vacanciers visiteront les thermes gallo-romains du Hogolo et se promèneront sur les terrasses qui bordent le Douron, des terres désormais propriété du Conseil général des Côtes-d'Armor, sans se douter que quelques mois auparavant, ces lieux ombragés par les pins et les cyprès ont été le théâtre d'un combat sans merci. Un combat gagné de haute lutte par Glenn Kérébel, Vincent Séité, Adrien Le Fur et Jean-Jacques Séité.
Ces quelques heures passées sur les rives du Douron m'ont convaincu d'une chose : le sureau, c'est pas du pipeau.

1 commentaire:

Chris a dit…

Bonjour Jean-Léo, encore de belles photos! Avec les fleurs du sureau, tu peux faire du sirop, et avec les fruits quand ils sont bien murs, de la confiture c'est excellent. Mais il est vrai que c'est un arbuste très envahissant.
Chris