vendredi 9 mars 2012

Génétique Et Sélection Du Cheval Percheron

"La génétique et la sélection du cheval percheron", tel est le titre d'une étude publiée le 20 février 2012 par Bertrand Langlois, de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA).
Cet article est disponible dans son intégralité sur Internet :
Le texte se compose d'une 1ère partie intitulée "État des lieux actuel sur le plan technique", basée sur l'étude de données statistiques ; et d'une 2ème partie titrée "Perspectives", beaucoup plus subjective.
Le chapitre sur l'état des lieux s'intéresse aux reproducteurs percherons (effectifs, distribution, produits déclarés...). Les poulinières ne sont pas oubliées (distribution, 1ère saillie...). D'autres thèmes sont abordés : âge de réforme des chevaux, consanguinité, ancêtres principaux...
Quelques conclusions de ce 1er chapitre.
À propos des étalons :
"Une grande majorité d'étalons produisant très peu et une très faible minorité produisant beaucoup... parler d'une moyenne de juments saillies dans ces conditions a peu de signification".
"D'un point de vue strictement productif, les étalons apparaissent moins bien gérés que ne le sont les poulinières. Ils sont trop nombreux, trop âgés, car réformés trop tard".
À propos de la consanguinité :
"Malgré ses effectifs restreints, le percheron ne semble pas souffrir de problèmes liés à la consanguinité".
La 2ème partie de cette étude s'intéresse à l'avenir du cheval percheron. Un thème beaucoup plus difficile à maîtriser et qui -ne s'appuyant pas sur des chiffres et des données précises- demande une connaissance approfondie du milieu qui, seule, permet une réelle mise en perspective.
Sans remettre en cause les conclusions générales de cette étude, je me permettrais d'apporter quelques précisions. Parfois des détails, parfois des considérations plus larges qui viendront, à l'occasion, tempérer certaines des affirmations émises.
  • Bertrand Langlois écrit : "Cette recherche des allures et de l'allègement caractérise ce que l'on appelle maintenant le "diligencier" qui vise à satisfaire une demande multiple orientée sur les loisirs". Certes. Mais la recherche de meilleures allures n'est pas l'apanage du percheron diligencier. Le percheron de type trait a énormément évolué en 20 ans, aussi bien dans sa morphologie que dans ses allures. Il me paraît donc préjudiciable de laisser croire que seul le diligencier serait un cheval capable de belles allures.
  • Un peu plus loin : "À côté du limonier et du diligencier, un type artilleur de petite taille est déjà élevé par les éleveurs argentins". La race percheronne se compose, d'après le stud-book, de percherons de type trait et de percherons de type diligencier. Et tout le monde reconnaît que le type autrefois reconnu de "postier" se rencontre encore en Argentine. Les débats autour du modèle percheron suscitent déjà suffisamment d'incompréhension qu'il serait préférable que tout le monde parle avec le même vocabulaire, le vocabulaire officiel, faute de quoi tout échange devient incompréhensible.
  • Deux autres extraits : "Ce sont pour le moment les concours de modèles et allures, ainsi que la gestion généalogique du SIRE, qui permettent cette caractérisation. Qu'adviendra-t-il de ces structures avec le désengagement programmé de l'État ? La SHP sera-t-elle en mesure de prendre le relais ?". Et "La génétique moléculaire ne va donc plus uniquement servir à certifier les origines mais va peu à peu intervenir directement dans la sélection... Il me paraît donc très important que la SHP prenne conscience de ces nouveaux horizons et réfléchisse aux moyens politiques et financiers nécessaires à la logistique de cette nouvelle gestion". Avec un salarié à temps plein et quelques bénévoles, la SHPF ne pourra pas tout. Loin de là. Il est évident que la SHPF et les autres Associations nationales de trait ne vont pas se substituer à l'État ni se lancer dans des programmes de recherche. En revanche, c'est à France Trait et à la SFET (Société française des Équidés de travail) que va incomber la plus grande partie de ce travail. N'oublions pas que les mêmes problématiques se posent pour les 9 races de trait et que ce serait un formidable gaspillage de voir chacune d'elles travailler indépendamment dans son coin sur les mêmes dossiers. La volonté de l'État est de faciliter l'émergence et le rôle de fédérations intermédiaires (France Trait, SFET) qui seront en mesure de servir d'appuis logistiques, techniques, administratifs, aux races de trait. Les Associations nationales de race garderont leurs prérogatives en ce qui concerne l'orientation de leur race et la définition du modèle.
  • Continuons la lecture. "On peut très bien renoncer devant l'ampleur du chantier. C'est une attitude d'homme vieillissant". Et : "De plus, cet immobilisme risque de beaucoup démotiver les jeunes dont la participation est indispensable à la survie de la race". Je suis quelque peu surpris par ces deux passages du texte. Je réfute totalement le terme d'immobilisme. Il suffit de se replonger dans ce qu'était le monde percheron il y a 30 ans pour voir que le chemin parcouru est considérable, et le milieu continue à évoluer à grands pas, aussi bien au niveau de la pensée que des réalisations sur le terrain. Que certains veuillent aller plus vite et considèrent que leur vision est la seule valable est compréhensible, mais cela n'autorise pas à parler d'immobilisme. "Renoncer... une attitude d'homme vieillissant" : réduire le milieu percheron à une lutte entre jeunes et anciens me paraît pour le moins manquer de rigueur scientifique. Les différences de vision du percheron, de ce qu'il doit être, de ce vers quoi il doit évoluer, ne vient pas à proprement parler de l'âge des gens mais de la manière dont ils ont côtoyé le percheron pendant leur vie, certains depuis 40 ans voire plus, d'autres depuis quelques années seulement. On ne peut demander à des gens aussi différents d'avoir une même vision. D'autre part, n'oublions pas qu'il y a aussi nombre de femmes et d'hommes vieillissants qui ne manquent pas d'énergie et qui ont une richesse que beaucoup n'ont pas : l'expérience, la connaissance et le savoir-faire.
  • Un autre extrait : "Une politique de conservation du type limonier pourrait donc être mise en place parallèlement au développement du type diligencier, voire du type artilleur, plus adapté à la demande de notre société. Cette conservation du limonier pourrait être soutenue par une aide au développement des épreuves de traction, conçue comme une aide à la mise en marché du cheval de travail et comme un moyen complémentaire de sélection des reproducteurs". Une "politique de conservation du type limonier" ? Y a-t-il danger en la demeure percheronne quand la proportion de percherons de type trait doit représenter plus de 80% de la production actuelle ? Pourquoi parler de conservation dans cette situation ? Y aurait-il, dans l'esprit de certains, la volonté d'éliminer les percherons de type trait ? Un des défis majeurs actuels pour la race percheronne est d'arriver à fournir un cheval de trait formé aux nouvelles utilisations que constituent le travail en ville, dans la ville et en forêt. En sachant que cela doit se faire à un prix qui permette d'en tirer un revenu décent pour les formateurs. Pour l'instant, la race percheronne forme des chevaux d'utilisation loisirs mais pratiquement aucun qui pourrait être labellisé apte aux nouvelles utilisations.
  • Pour finir sur une note... légère, attardons-nous sur la dernière phrase de l'étude : "Un petit handicap toutefois : il [le percheron] est un peu encombrant, c'est un très gros nounours". Qu'il soit encombrant, volumineux donc, ne me paraît pas constituer un handicap, mais plutôt un avantage. Le cheval de trait se doit de cultiver sa différence, qui est son atout majeur et son capital sympathie. S'il doit devenir un cheval de selle comme les autres, moins encombrant donc, autant produire du Selle français. En lisant des articles scientifiques, je pensais être à l'abri du sempiternel cliché "gros nounours". À une ligne près, c'était bon.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore un qui n'a jamais élevé le moindre cheval, mais qui sait tout. Je préfère votre analyse à la sienne.
C. Jalicot

Sylvie MARTZ a dit…

Ouvrir un débat constructif consisterait à ne pas juger les hommes qui écrivent mais de réfléchir et commenter sur les textes, analyses ou études Ainsi chacun pourrait contribuer à l'avancement du sujet de façon plus intellectuelle Pour ceux qui souhaitent aller plus loin voici un lien vers un forum où les posts valent la peine d'être lus! Pour un cheval percheron de renommée mondiale, il est important de savoir ce qui est pensé hors de nos frontières http://australianheavyhorseforums.createforumhosting.com/are-there-two-types-of-percheron-t2357.html

Anonyme a dit…

bonjour,
je voudrais revenir sur un point!
"D'un point de vue strictement productif, les étalons apparaissent moins bien gérés que ne le sont les poulinières. Ils sont trop nombreux, trop âgés, car réformés trop tard".

réponse: la gestion des étalons est bien gérée à mon goût!

premièrement, l'inventaire est fait tous les ans, la shpf sert de relais entre les différents étalonniers et les haras pour la bonne gestion des étalons!

deuxièmement,pourquoi parler "productif", l'orientation de la race percheronne n'est pas de produire en quantité mais en qualité.

troixièmement, si les gens gardent des "vieux" étalons c'est pour maintenir le qualité de traceur et de garder l'ascendance ancienne de ces sujets ( lignées très importantes pour la race)

quatrièmement, avoir un certain stock d'étalons approuvés est très important car certes il faut des étalons approuvés pour reproduire en France mais aussi il ne faut pas oublié que maintenant les étrangers ( Europe, Hémisphère sud,...) veulent des approuvés!!!

jean-jacques léon

Anonyme a dit…

autre point abordé dans ce document:

"Du point de vue génétique, l’identité des gènes de deux individus est classiquement mesurée par leur coefficient de parenté calculé d’après leur pedigree. Les progrès de la génétique moléculaire permettent maintenant d’accéder directement à l’identité des gènes. De plus, ils permettent de gérer plus efficacement certains caractères comme la robe grise ou noire et le caractère pommelé. D’autres caractères comme la sensibilité au coup de sang, les pattes à jus et la dermatite estivale pourront aussi être gérés à ce niveau. La génétique moléculaire ne va donc plus uniquement servir à certifier les origines, mais va peu à peu intervenir directement dans la sélection. C’est déjà le cas pour l’élevage bovin laitier et tend à se généraliser aux espèces de rente. C’est ce que l’on appelle la sélection génomique. Il me paraît donc très important que la SHP prenne conscience de ces nouveaux horizons et réfléchisse aux moyens politiques et financiers nécessaires à la logistique de cette nouvelle gestion.

Cher mr ou mme "x" la shpf prend déjà conscience de ces nouveaux horizons en terme de sélection génomique!!! depuis plusieurs années on fait la recherche des gènes agouti (noir) et alezan sur tous les candidats étalons entrant dans la sélection pour le national au haras du pin en septembre! c'est une démarche très importante qui à été mis en place pour sensibiliser les gens et pour les aider dans l'accouplement avec leur jument. le but est de ne plus avoir de percheron alezan et d'accentuer l'orientation de la race sur le gris foncé et le beau noir!
ces résultats des gènes sont visibles sur les mises à jour des étalons depuis 2009!

cela confirme après lecture de cette étude que de nombreux points sont erronés!

jean-jacques léon

Anonyme a dit…

Deux petites questions:
Quand aurons nous sur les concours les catégories limonier et artilleur?
Parlons nous tous du cheval percheron?
C. Jalicot